C’est un petit disque précédé d’aucune rumeur, emballé dans une pochette assez moche, dont on sait juste qu’il est l’œuvre d’un certain Jason Ball, songwriter-musicien-producteur des environs de Halifax, Canada. Le pitch est assez simple : c’est un album de pop-songs aux commodités douillettes et à l’amabilité sans accroc. On y chante remarquablement bien des choses relativement raffinées et érudites, il y a un peu partout des c(h)œurs qui pourraient aisément faire chavirer ceux des filles, l’instrumentation est riche d’une quinzaine de bonnes volontés venues prêter main-forte au tenancier des lieux. Pourtant, au bout de quelques écoutes, la conviction commence à se forger que Jason Ball n’est pas qu’un simple copiste plutôt doué, mais qu’il est bien le cousin par alliance des Jon Brion ou Jason Faulkner et le digne compatriote des Ron Sexsmith ou Heavy Blinkers – ces derniers étant d’ailleurs remerciés sur la pochette. Disons que sur l’échelle des (bonnes) vibrations, Ball n’est pas loin des derniers barreaux.
Après un faux départ power-soul anabolisé aux cuivres mais déjà empreint d’une grâce inhabituelle, on entre dans le vif du sujet avec Daily Electric, où le mélange trombones-theremin provoque d’inoubliables étincelles et des embrasements qui ne vont nullement se raréfier en chemin. L’écriture déliée, creusée de mille détails de production remarquables, rappelle certaines des plus ambitieuses constructions seventies de Todd Rundgren (Goldmine), et la ferveur qui attise l’ensemble pourrait ressembler à cette portée de jolis monstres qu’auraient pu avoir ensemble les chevaux étincelants de Mark Linkous et les lamas culminants de Sean O’Hagan. Dans trente ans, les chercheurs d’or qui tomberont sur cette pépite crieront au chef-d’œuvre. Ne les attendons pas.
Christophe Conte
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